La Cour d’appel de Paris s’est récemment prononcée sur la double représentation, pratique interdite en droit français, laquelle est source d’une abondante jurisprudence.
Aux termes d’un arrêt rendu le 2 septembre 2021 (CA Paris, 2 septembre 2021, n°17/22013, SASP USOLF), la Cour d’appel de Paris considère qu’un club ne peut légitimement et de bonne foi demander l’annulation d’un contrat de représentation, aux fins de se soustraire à son obligation de payer les honoraires de l’agent, dès lors qu’il avait parfaitement connaissance de l’existence de ce double mandat.
Ainsi, selon la Cour d’appel de Paris, qui rappelle le principe d’interdiction du double mandatement, dès lors qu’il est établi que la partie qui se prévaut de cette interdiction a connaissance de l’existence d’un double mandat, celle-ci ne peut se prévaloir de cette interdiction légale pour tenter d’échapper à son obligation de payer découlant du contrat de représentation.
Les faits de l’espèce étaient les suivants : en 2012, le club de football d’Orléans donne mandat à la société d’agence sportive, CH Conseil et Management, via la conclusion de deux contrats distincts, aux fins de négocier, d’une part, la prolongation du contrat de joueur de Mathieu Ligoule et d’autre part, la signature par Maxime Brillault d’un contrat de travail de joueur de football dans le club.
Cette même société CH Conseil et Management avait, le 1er septembre 2005 et avec l’autre le 1er décembre 2010, conclu des contrats de mandat avec les joueurs précités. Le premier des deux contrats de mandats était toujours en vigueur en 2012.
Entre juin 2012 et septembre 2014, dans le cadre des mandats conclus entre la société d’agence sportive et le club orléanais, ce dernier se voit adresser cinq factures pour un montant total de 28.756 €.
Le refus de paiement opposé par le club à la société d’agence conduit la société CH Conseil et Management à assigner la SASP Orléans Loiret Football, en référé tout d’abord.
La procédure de référés s’est toutefois heurté à la contestation sérieuse soulevée par le club de football.
En effet, si le juge des référés est saisi et qu’il estime qu’il existe un double mandatement, l’agent ne peut pas obtenir paiement de sa commission en raison du caractère sérieux de la contestation soulevée par son cocontractant (CA Paris, 8 mars 2016, n° 15/11707, SASP Orléans Loiret Football).
La société d’agence sportive assigne alors le club orléanais devant le tribunal de commerce de Paris au fond aux fins d’obtenir paiement de ses honoraires.
Selon jugement du 17 octobre 2017, le club d’Orléans est condamné à payer l’intégralité des honoraires précités.
La SASP Orléans Loiret Football interjette appel dudit jugement, faisant valoir, notamment, que la société d’agence sportive avait enfreint les dispositions légales de l’article L. 222-7 du Code du sport et les dispositions de l’article 6.2.1 du Règlement des agents sportifs relatives à la prohibition du double mandatement.
Par un arrêt en date du 2 septembre 2021, la Cour d’appel de Paris confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.
Après avoir rappelé l’interdiction du double mandatement et la nullité en découlant, les magistrats du second degré relèvent que le club orléanais avait connaissance, en 2012, lors de la conclusion du contrat avec la société CH Conseil et Management, de l’existence du premier contrat de mandat conclu entre la société d’agence sportive et le premier jour le 2 mai 2012.
La Cour rappelle sur ce point que l’article 7 du contrat d’agent sportif conclu entre la société d’agence sportive et le club de football le 2 mai 2012 disposait en effet que le club d’Orléans devait régler la rémunération due à son agent sportif en lieu et place du joueur.
Quant au second joueur, la Cour expose que le contrat de médiation avec la société CH Conseil et Management avait expiré bien antérieurement à la conclusion du contrat de mandat objet du litige, conclu en 2012. Les juges d’appel rejettent dès lors l’argument tiré de l’existence prétendue d’un double mandatement.
Nous ne détaillerons pas dans cet article les deux autres arguments soulevés par le club, visant, notamment, à soutenir que l’agence sportive aurait manqué à son obligation de rendre compte régulièrement de l’exécution de ses prestations. Ces deux arguments ont été écartés par la Cour.
Pour rappel, l’interdiction du double mandatement est prévue à l’article L. 222-17 du Code du sport, lequel dispose que toute convention conclue en contravention avec l’interdiction du double mandat est réputée nulle et non écrite.
Elle est également prévue à l’article 6.2.1 du Règlement des agents sportifs :
« Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d’une des parties intéressées :
– à la conclusion d’un contrat de travail de joueur / d’entraîneur,
– à la conclusion d’un contrat prévoyant la conclusion d’un contrat de travail de joueur / d’entraîneur. »
Cette question fait l’objet d’un contentieux abondant.
Pour illustration, aux termes d’un arrêt du 4 avril 2013, la Cour d’appel de Paris a ainsi prononcé l’annulation d’un contrat conclu entre un agent et un joueur au motif que l’agent était déjà engagé avec le club employeur du joueur aux termes d’un contrat toujours en vigueur (CA Paris, 4 avr. 2013, n° 10/21622, Boisseau).
Les demandeurs au litige se heurtent notamment à la difficulté d’établir la preuve de l’existence du double mandatement.
Pour illustration, la production d’une page Facebook d’un agent indiquant que le joueur avait décidé de confier la gestion de ses intérêts à l’agent a été considéré comme insuffisant à démontrer la réalité d’un double mandatement (T. com. Tours, 16 mars 2016, n° 2015002528, CH Conseil et Management, LPA 2017, n° 159, p.19, obs. J-M. MARMAYOU).
Si le double-mandatement est interdit en droit français, la FIFA, qui avait abandonné en 2015 la régulation de l’activité des intermédiaires sportifs au profit des fédérations nationales, et qui entend mettre en œuvre d’ici quelques mois de nouvelles mesures visant à réglementer l’activité des agents de football, envisage d’autoriser le principe de la double-représentation.
Seule la triple-représentation serait interdite par les dispositions de l’Instance internationale.
Les litiges relatifs à l’activité des intermédiaires sportifs seront ainsi soumis au Tribunal du Football, ainsi que l’annonçait la FIFA le 10 septembre 2021.
Ce Tribunal, créé le 21 Mai 2021 lors du 71è Congrès de la FIFA, rassemblera les organes décisionnels existants de la FIFA en une seule institution composée de trois chambres : les chambres de résolution des litiges, du statut du joueur et des agents.
La création de cette Chambre sera accompagnée de plusieurs réformes et notamment :
– l’établissement d’un plafond sur les commissions pour éviter les pratiques excessives et abusives ; – la limitation de la représentation multiple pour éviter les conflits d’intérêts ; – la réintroduction d’un système de licence obligatoire pour les agents afin d’élever le standard des règles applicables à cette profession ; – la création d’une chambre de compensation de la FIFA pour garantir une meilleure transparence financière ; – la mise en place d’un système efficace de règlement des litiges entre les agents, les joueurs et les clubs ; – la divulgation et la publication toutes les interventions d’agents dans le cadre des transferts de joueurs, afin d’accroître la transparence et d’améliorer la crédibilité du système des transferts.
La Circulaire n°1769 de la FIFA précise que « les membres de la chambre des agents seront nommés ultérieurement, après approbation du Règlement sur les agents de la FIFA».
La FIFA prévoit l’absence de frais de procédure en cette matière, au même titre que les litiges relatifs aux joueurs, entraineurs et agents organisateur de matches.
Sources :
° https://www.droitdusport.com
° Règles de procédure du Tribunal du Football (Octobre 2021) ; Circulaire FIFA n°1769 – Manuel juridique de la FIFA et amendements à la Règlementation du Football – https://www.fifa.com/fr
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